La vision industrielle tire parti de l’IA
Comment les applications d’inspection visuelle industrielle peuvent tirer parti du potentiel des outils d’intelligence artificielle (IA). Ecrit par Youssef BELGNAOUI, rédacteur en chef de Automation France.

Les systèmes de vision industrielle sont déployés depuis longtemps en production pour réaliser des contrôles afin de détecter des anomalies, des contaminants, et d'autres irrégularités sur les produits fabriqués. Le traitement des images s'effectue en se basant sur des règles prédéfinies par programmation dont l’intelligence artificielle (IA) permet de s’affranchir. L’intelligence artificielle, et en particulier le deep learning, permet ainsi à la vision industrielle de franchir une nouvelle étape. Elle complète et dépasse parfois les systèmes de vision reposant sur des programmes à base de règles dans des environnements complexes, imprévisibles ou trop riches pour être modélisés manuellement. Grâce à sa capacité d’apprentissage, l’IA ouvre la voie à une nouvelle génération d’applications de vision industrielle.
Vision industrielle traditionnelle
Les systèmes de vision industrielle reposent sur des capteurs numériques incorporés dans des caméras industrielles dotées d’optiques spécifiques permettant l’acquisition d’images. Ces images sont ensuite transmises à un PC ou un contrôleur embarqué à la caméra de façon à ce qu’un logiciel dédié puisse traiter, analyser et mesurer différentes caractéristiques pour la prise de décision. Les systèmes de vision industrielle sont performants avec les pièces uniformes de qualité constante. Ils utilisent des algorithmes basés sur les règles de filtrage étape par étape, plus économiques que l’inspection humaine à grande échelle. Sur une ligne de production, un système de vision industrielle basé sur ces paramètres peut inspecter des centaines, voire même des milliers de pièces par minute. Les résultats de ces données visuelles sont basés sur une approche de programmation aux règles fixes pour résoudre les problèmes d’inspection. La vision industrielle basée sur les règles est performante avec un ensemble connu de variables : présence d’une pièce, distance d’un objet par rapport à un autre, position d’une pièce que doit prélever un robot. Ces opérations sont relativement faciles à déployer sur la ligne d’assemblage dans un environnement contrôlé.
Ce mode opératoire est bien adapté aux contextes maîtrisés, où les pièces sont homogènes, bien positionnées, et les tolérances peu variables. Il est notamment capable d’inspecter des centaines voire des milliers de pièces à la minute avec le niveau de fiabilité requis. Cependant, dès que l’environnement se complexifie — variations de formes, d’éclairage, de textures, de positionnement — les systèmes de traitement des images à base de règles atteignent leurs limites. Les défauts subtils, les objets organiques ou les produits avec beaucoup de variabilité ne se laissent pas aisément décrire par des règles fixes. Ainsi, lorsque le processus d’inspection se complique le deep learning ou apprentissage profond présente une alternative pertinente. En général, plus une tâche est intuitive pour un humain à partir d’une simple image (sans recourir à un outil de mesure), plus elle est candidate à être automatisée par IA.
IA et vision industrielle : une approche basée sur les données
Le deep learning met en oeuvre une approche basée sur les exemples et non plus une approche basée sur les règles. En tirant parti des réseaux neuronaux pour apprendre à un ordinateur ce qu‘est une bonne image en fonction d‘un ensemble d‘exemples référencés, le deep learning peut analyser, localiser et classer des objets, et lire des marquages imprimés, par exemple. Lorsque l'imprévisibilité et les variations naturelles font partie du processus, la technologie d'apprentissage profond prend tout son sens.
Les techniques d’Intelligence Artificielle, et plus particulièrement le Deep Learning (ou apprentissage profond) font donc franchir un nouveau cap aux processus de conception et d’utilisation d’un système de vision industrielle. Contrairement à l’approche symbolique, dans laquelle il faut définir manuellement des caractéristiques à suivre, les systèmes à base d’IA apprennent à reconnaître des patterns et à prendre des décisions à partir d’un ensemble d’exemples d’images annotées.
Dans ce modèle supervisé, l’élément central devient la donnée. Des images annotées — par exemple, « pièce OK » vs. « pièce défectueuse » — sont utilisées pour entraîner un réseau de neurones. Ce dernier extrait automatiquement les caractéristiques discriminantes et apprend à généraliser ces connaissances à de nouveaux cas. Ce processus réduit considérablement le besoin en codage manuel, et permet à des experts métiers (qualité, production, santé, etc.) de participer directement au développement de l’application en annotant les données, sans expertise en programmation.
L’introduction des systèmes de type Edge Learning permet d’entraîner et d’exécuter des modèles directement sur les systèmes de traitement embarqués sur les caméras sans devoir recourir à un PC ou à un GPU.
Avantages de l’IA pour les applications de vision industrielle
• Flexibilité et adaptabilité : contrairement aux règles figées, les modèles IA peuvent s’adapter aux variations naturelles de production (aspect visuel, position, éclairage, etc.).
• Simplification du développement : plus besoin de définir manuellement les critères de détection ; le système apprend par l’exemple.
• Capacité à traiter des cas complexes : l’IA convient aux inspections de défauts de nature esthétique (rayures, bosses, variations de texture), qui sont difficilement modélisables avec des règles.
• Réduction du temps de mise en œuvre : les modèles peuvent être entraînés à partir de quelques dizaines ou centaines d’exemples.
• Robustesse face aux dérives : les modèles peuvent être mis à jour pour prendre en compte des évolutions naturelles de l’environnement de production.
Applications privilégiées de l’IA pour la vision industrielle
• Inspection esthétique : détection de rayures, bosses, irrégularités sur des surfaces complexes ou brillantes.
• Reconnaissance d’objets complexes : identification d’objets dans des environnements non structurés ou organiques (ex. : agriculture, industrie alimentaire, médical).
• Lecture de marquages et caractères : OCR sur des supports irréguliers ou usés.
• Classification de produits : distinction entre différentes variantes ou catégories d’un produit, même avec des différences subtiles.
• Localisation d’éléments : positionnement précis malgré des variations de forme ou d’arrière-plan.
Ecrit par Youssef BELGNAOUI, rédacteur en chef de Automation France.